Approches théoriques du handicap : synthèse critique et bibliographique
recherche
L’un des axes de recherche ayant émergé des travaux du groupe d’étude français concerne l’approche des théories du handicap, dans leur élaboration historique et critique. Il nous a paru nécessaire, en effet, d’analyser les figures et notions qui organisent les discours élaborés autour du handicap, et qui sous-tendent le travail social et la prise en charge thérapeutique.
Dans le but de comprendre la place de l’éducation somatique et des interventions artistiques dans le contexte médicosocial, nous avons essayé de cerner la spécificité de l’approche somatique du handicap, en interrogeant le paradigme qui oriente notre regard sur la « différence ». Nous avons évoqué souvent la valeur que l’éducation somatique attribue aux ressources et au potentiel singulier de la personne, au-delà des catégories sociales et médicales qui définissent les conditions dans lesquelles elle vit.
L’importance que l’approche somatique donne à l’expérience subjective, comme source de connaissance de soi et d’expertise individuelle, nous rapproche davantage de l’éthique et de la politique des mouvements de revendication et d’empowerment des patients (tradition du « self help », de l’auto-organisation collective, etc.), que des disciplines de « réadaptation » et « rééducation », voire « normalisation » institutionnelle. Dès lors, comment penser le dialogue entre la pratique somatique, le patient expert et les systèmes institutionnels de soin auxquels ce dernier est confronté ?
S’agit-il de choisir un champ, un « entre-deux » conçu comme espace de médiation entre les acteurs du milieu médicosocial ? Pouvons-nous faire l’hypothèse d’une médialité de l’approche somatique : un espace de « purs moyens », où à la dialectique dominante la relation soignant/soigné se substitue la suspension des catégories et des normes, et l’exploration de potentiels – savoirs, capacités, compétences - non indexés à une axiologie médicale ?
Comment nous nous situons entre les deux approches opposées du handicap, qui s’orientent respectivement sur le principe de « réadaptation/réhabilitation » et sur l’enjeu de « transformation de l’environnement » ? Et, par conséquent, de quelle manière les paradigmes relevant du modèle individuel ou médical et du modèle social du handicap viennent informer notre pratique et notre éthique? Que signifie-t-elle la «réorganisation somatique par le toucher et le mouvement»? Comment appréhendons-nous la relation entre la personne et son milieu ?
Pour approfondir ces problématiques, nous nous sommes penchés sur l’histoire des théories du handicap et du mouvement des Disability Studies, afin de comprendre les débats théoriques et les luttes politiques qu’ont engagé les mouvements des patients pour revendiquer leurs droits vis-à-vis des politiques nationales et internationales de santé.
Ci-dessous, nous avons réalisé une fiche de lecture de quelques textes significatifs : les deux premiers sont des articles produits en contexte français et s’inscrivent dans le domaine de la sociologie de la santé ; le troisième est la synthèse des premiers chapitres d’un ouvrage qui a fait date en contexte anglo-saxon, et qui s’inscrit dans la longue tradition britannique de la recherche et de l’activisme dans le milieu du handicap.
Une bibliographie sélective en langue anglaise et française est proposée à la fin du document.
Description de la pratique
A l’automne 2013, dans le cadre de la mobilité à Paris du projet Sparks, nous avons organisé deux journées d’étude, en invitant praticiens, éducateurs, artistes et chercheurs à se rencontrer autour du partage de leurs expériences dans le milieu du soin.
À cette occasion, nous avons souhaité ouvrir un chantier de travail – longtemps évoqué par plusieurs d’entre nous – autour de la description de la pratique somatique.
La question de comment décrire et comment parler de notre travail « dehors », reste en effet un nœud problématique et presque intrinsèque à toutes les disciplines somatiques. Certains d’entre nous ressentent que ceci est l’obstacle majeur à la compréhension et à l’intégration professionnelle de ces méthodes au sein de structures institutionnelles de soin. Pour d’autres, l’enjeu de la communication est soit le reflet d’une épistémologie ‘faible’, soit au contraire le signe fort d’une altérité inassimilable qu’il faut à tout prix défendre.
Les fondements théoriques à l’appui du nouveau paradigme sont donc cherchés dans les ‘sciences de la conscience’, dans la phénoménologie de la subjectivité et de l’expérience à la première personne. Pourtant, aucun de ces modèles ne produit, pour l’instant, des outils efficaces : l’approche problématique de la description la transforme en une régression à l’infini, qui peut se détacher de manière vertigineuse des conditions matérielles et actuelles de la praxis.
Pour l’ouverture du chantier « description », nous avons donc invité une chercheuse experte de la question, Isabelle Ginot, praticienne Feldenkrais et professeur au département Danse de l’Université Paris 8.
Dans sa conférence, Isabelle nous a offert des pistes de travail en proposant une méthodologie de description qu’elle appelle « partitions du regard ».
Une partition du regard c’est un canevas qui permet d’orienter la perception d’une situation – ici, une séance individuelle basée sur les principes du BMC – de manière à sélectionner les éléments qui peuvent rentrer dans une narration potentielle.
La vidéo d’une séance « BMC » avec un enfant suivi à l’association MAIA Autisme, a servi d’exemple pour exercer ce type de lecture, selon quatre axes partitionnels possibles :
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ce que l’enfant ‘fait’ effectivement – ses gestes, mouvements, expressions…
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ce que l’enfant ‘semble’ éprouver
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ce que le praticien ‘fait’ effectivement – encore une fois, ses gestes, mouvements, expressions…
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ce que le praticien semble vouloir faire, ou ressentir, ou projeter – bref, ses intentions implicites – au cours de la séance.
« Partitions pour une description : décrire la pratique, outiller le discours », séminaire d’Isabelle Ginot dans le cadre des Journées d’Études « Sparks. Pour une autre intelligence du handicap », Paris 16-17 novembre 2013
Lien à la page vidéo sur le site SPARKS (www.sparks-project.eu)